Si lointaine me paraît l’époque où je passais 3 à 4 heures quotidiennement dans les transports… Je garde le souvenir de la fatigue et de la frustration provoquées par les retards à répétition, le froid ou la promiscuité des heures de pointe. Mais il y a aussi ces rencontres qui m’ont fait sourire, rire, réfléchir. Ce sont ces fragments de vie que je souhaite partager dans mes chroniques de transports en commun.
Le floup, c’est LA douceur de mon enfance qui me manque le plus. Les Instagrammeur.ses qui se mettent en scène avec un floup dans leur story me brisent le cœur à CHAQUE FOIS. Pourtant je continue de les follow, j’aime me torturer l’esprit. Il y a trois ans, j’ai emménagé en Île-de-France. J’ai passé près d’un an à chercher des floups dans ma ville, mais aucun des épiciers n’en vendait. Je n’étais que tristesse et déception jusqu’au jour où…
C’est un beau jour de printemps. Je reviens de faire mes courses à Intermarché. Techniquement je pourrais rentrer chez moi en 15 minutes à pied, mais ai-je envie de faire le trajet sous le soleil en portant mes deux gros sacs ? Je ne résiste pas à l’appel du bus à l’arrêt juste devant moi. Evidemment, il n’y a plus de place assise et je galère quelques secondes à trouver où placer mes sacs puis où me tenir pour ne pas tomber. C’est alors que je remarque un garçon d’une dizaine d’années en train de déguster un floup coco. Une femme lui touche l’épaule et lui conseille de se tenir pour ne pas faire tomber son floup. Il obéit immédiatement à sa maman. La perspective que le floup se retrouve sur le sol sale du bus me fait moi-même frémir encore aujourd’hui. Le bus démarre et je n’ai que deux arrêts (oui, je vous ai dit que j’habite vraiment à côté du supermarché. Jugez-moi.). J’analyse le floup coco. Clairement, il vient d’être entamé, donc cela signifie que l’achat s’est fait maximum cinq minute avant la montée dans le bus. Le lieu de l’achat se trouve donc à quelques mètres. MAIS OÙ ? Ce n’est pas jour de marché donc c’est que c’est forcément dans une boutique, sauf que cela fait des mois que je viens ici et je n’ai jamais vu d’épicerie sur cette place. Un salon de coiffure, une brasserie, un Relay, un restaurant japonais, oui. Mais une épicerie qui vendrait des floups, JAMAIS.
Le bus ronronne. L’heure du départ approche. J’hésite à poser la question. La maman sort un floup d’un sachet en plastique et se met aussi à déguster. Alors je ne tiens plus.
“Bonjour madame. Excusez-moi, mais où avez-vous acheter ce floup ?”
“Chez l’épicier asiatique là-bas,” répond-elle avec le sourire en tendant la main vers Intermarché. J’imagine que j’ai l’air perplexe parce qu’elle poursuit. “A côté. La boutique est de l’autre côté.”
Je la remercie. Je débats avec moi-même pendant cinq secondes pour aller de suite à l’épicerie (c’était le printemps mais il faisait chaud comme un jour d’été). Le conducteur de bus prend la décision à ma place en démarrant. Pas de floup pour moi ce jour-là. Mais dites-vous bien que je suis allée vérifier dès mon passage suivant à Intermarché. 1,20 euro le floup. Ai-je versé une larme en payant le double de ce que j’aurais payé en Guadeloupe ? Oui. Je vous jure qu’à 1,20 le floup, on savoure le millième de mL de ce petit berlingot. Parfois, la nostalgie a un coût. Ai-je continué à acheter des floups ? Je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où j’ai eu l’occasion d’en acheter dans cette épicerie. Mon moi adulte est conscient de la mine d’or que représente le floup dans l’hexagone sans pour autant que cette richesse profite à l’île. Mais le simple fait de savoir que j’avais la possibilité d’en acheter à tout moment (sauf pendant la fermeture annuelle en septembre) m’apportait un réconfort inexplicable. Merci à cette maman et son fils pour m’avoir aidée à retrouver une saveur de mon enfance.