La review a mis du temps à venir parce que j’ai savouré chaque page du livre alors je l’ai lu trèèèès lentement.
Publié en 2010, Qui a peur de la mort est un roman écrit par Nnedi Okorafor. J’en avais entendu parler pour la première fois en 2017 lors de la deuxième rencontre Atayé. Le thème de la séance bookclub était les femmes badass dans la littérature de science-fiction. Mrsxroots et toutes celles présentes n’avaient pas arrêté de vanter le livre sans pour autant en parler réellement pour nous forcer à le lire. Loren du TheWhy podcast avait aussi mentionné le caractère prenant de ce roman. J’étais donc plutôt bien disposée, mais je n’étais pas encore prête à franchir le pas. 2017 a été l’année où j’ai commencé à m’interroger sur ce qu’était l’afrofuturisme. Si j’en suis encore à chercher ma propre définition (et je crois que c’est un processus sans fin), je pense que ma réflexion était suffisamment mûre en ce début 2018 pour me plonger dans Qui a peur de la mort?.
Au-delà du monde physique
A travers le regard d’Onyesonwu, les lecteur.trices découvrent une société multiculturelle, multiethnique s’inspirant directement des cultures africaines. La magie fait partie intégrante de ce monde post-apocalyptique et n’est jamais présentée de façon négative.Il n’y a pas l’opposition occidentale habituelle à la religion ni même à la science. Pour schématiser, la magie, la religion et la science sont connectées et n’existent pas indépendamment l’une de l’autre. Les initiés comme Onyesonwu sont ainsi capables de s’appuyer sur ces trois domaines pour voir, ressentir l’essence même de tout objet et être qui les entoure. Tout en naviguant entre “notre” réalité et le wilderness, la dimension métaphysique du monde, l’adolescente apprend à maîtriser et à comprendre l’importance de cette fascinante mais dangereuse omniscience.
Au-delà de l’ordre établi
Dans sa quête d’identité, Onyesonwu se bat contre les codes de la société et n’a de cesse de chercher sa place au sein de sa famille, au sein de ses pairs, au sein de sa communauté. Le conflit entre ce qu’elle doit être, ce qu’elle veut être et ce que les autres veulent qu’elle soit anime chaque scène. Son coeur et sa raison oscillent constamment entre son envie d’être libre, c’est-à-dire de vivre sans le regard pesant qu’elle subit à cause de ses origines, et son désire voire son besoin de suivre les règles pour se faire acceptée des autres. Son rite de passage à l’âge de onze ans n’est qu’une des nombreux exemples où Onyesonwu fait le choix conscient de répondre à des exigences. Et ces exigences se transforment par la suite en attentes dans le dernier tiers du roman où elle doit subir un dernier rite de passage avant de partir affronter son destin.
Au-delà de soi
Au final, ce personnage veut juste aimer et être aimée en retour. Comment s’aimer soi? Comment aimer les autres ? Elle le découvre. De l’amour parental à l’amour amical en passant par l’amour passion, Onyesonwu incarne la détermination à ne pas rester seule. C’est l’élément paradoxal que j’ai le plus aimé. Cette envie de nouer des liens, d’établir une connexion avec les autres ne l’empêche pas de s’affirmer. Bien au contraire. Elle ne cherche pas à s’effacer ou à cacher son caractère. Son impulsivité nourrit son courage et la guide pour le pire et le meilleur. Quand on ne craint pas la mort, quelle peur ne peut-on surmonter ?
Le mot de la fin
En toute franchise, mon seul point “négatif” serait le rythme. J’ai ressenti un déséquilibre entre les longues parties consacrées à l’enfance et à l’adolescence (les deux tiers du livre) par rapport à la partie action et les “combats”. D’un autre côté, la fin est tellement explosive qu’il n’était pas nécessaire de s’alourdir sur des pages et des pages… En tout cas, ce parcours initiatique est riche en terme de représentation des femmes noires. Peu importe la génération, peu importe l’importance du rôle dans l’intrigue, chaque personnage féminin est complexe et présenté en tant que tel. Les femmes sont mises au premier plan dans leur diversité et leur singularité alors que les hommes restent au second plan en tant que “supporting characters”. J’espère que cet aspect sera gardé dans l’adaptation TV. Voyage initiatique, Qui a peur de la mort ? replace les femmes noires au centre d’une narration célébrant leur force, leur vulnérabilité et leur humanité.