[Review] La Squale

Je ne me rappelle pas si les critiques au sujet de La Squale avaient été bonnes à l’époque, mais je rappelle qu’elles parlaient toutes de la première séquence se terminant par une scène de tournante. Et si je m’en rappelle encore aujourd’hui, c’est pour vous dire à quel point ça m’avait marquée à l’époque. Je me rappelle aussi avoir regardé le film, avoir ressenti un gros sentiment de malaise parce que je ne crois pas que j’étais prête psychologiquement à le voir. Quinze ans plus tard, je ressens toujours le même malaise, mais je peux mettre des mots dessus.


Sortie : novembre 2000
Réalisation : Fabien Genestal
Résumé allôciné: Désirée, surnommée la “Squale”, vit dans le culte du père qu’elle n’a jamais connu, Souleymane, le caïd légendaire de la cité. Lorsqu’elle croise le regard de Toussaint, un chef de bande auteur d’un viol collectif, elle n’a de cesse de le séduire. Mais le lascar n’a d’yeux que pour Yasmine, une fille discrète et timide, cloîtrée à la maison par ses frères. Désirée, à force d’acharnement, parviendra pourtant à le conquérir. Veine gloire, car Toussaint, violeur impénitent et pourchasse, l’abandonne et la trahit. Désespérée, Désirée découvre la vérité sur son origine.

Ce résumé (le choix de certaines expressions * soupir *) résume mon problème avec ce film. Une accumulation de clichés qui semblent aller de soi au vu du sujet sans s’interroger sur les causes et sans dévier des conséquences attendues. C’était peut-être un parti pris de ne pas chercher à déconstruire les stéréotypes, mais bon… Oui, c’est une image des banlieues comme celle que les médias véhiculent et qui n’est pas la réalité quotidienne de ceux qui y vivent. La Squale base son intrigue sur l’agressivité constante dans les relations, que ce soit entre amis, avec les parents, la sexualité. Les moments de répit ne durent jamais assez longtemps pour que le téléspectateur respire. Maintenant, si on sort de l’optique “est-ce une représentation fidèle ou pas des banlieues?” et qu’on regarde juste le scénario, j’ai eu du mal à accrocher à l’histoire parce que je n’avais pas l’impression de regarder des personnages avec une vie en dehors des scènes où on les voit. Il y a une multitude de points de vue, ce qui disperse l’attention sur ce que le film aurait pu montrer au-delà de la violence basique prévisible. La quête d’amour de Désirée. En ce sens, l’affiche reflète bien la contradiction du film : elle est la raison même du titre et est donc de face, mais c’est quand même Toussaint, le premier rôle masculin, qui tout en étant de profil, est au premier plan et la cache à moitié.

Et donc je n’ai pas vraiment compris la quête de Désirée pour retrouver son père. A priori, elle vient d’emménager dans la cité, mais on ne sait pas d’où elle vient ni pourquoi elle est là. Elle a un mal de vivre parce que sa mère l’a toujours rejetée et elle idéalise un père dont il ignore tout. Le fameux Souleymane que tout le monde connaît et continue de respecter mais qu’un seul personnage du film a vu en vrai… Au final, ce n’est pas tellement important qui est Souleymane parce que la mère finit par reconnaître qu’elle ignore elle-même qui est le père de Désirée, mais je n’ai pas compris comment/pourquoi il y a un rapprochement mère et fille mais que la mère, tout en conseillant Désirée d’avorter de l’enfant conçu avec Toussaint, ne soit pas aux côtés de sa fille jusqu’à la fin. Le film a joué l’esquive en faisant comme si Désirée a menti à sa mère en disant avoir avorté, mais c’est une grosse suspension d’incrédulité de penser que sa mère ne s’est pas rendu compte qu’elle a menti et ne cherche pas à la soutenir ou au moins passer du temps avec elle. D’une façon générale, le film dresse un portrait négatif des parents : les pères parce qu’ils sont absents, les mères parce qu’elles auraient rejeté leur rôle de mère ou parce qu’elles ne seraient que des femmes “soumises”. Cliché, cliché, cliché.

D’après les quelques interviews du réalisateur que j’ai réussi à retrouver, on dirait que son objectif était de faire un film sur les filles dans les banlieues. Montrer des filles fortes qui résistent à la domination masculine. Je ne vois pas vraiment en quoi le résultat final reflète cette volonté. Je suis d’accord avec la phrase d’accroche du poster “elle a le profil pour faire face”, mais toute l’histoire de Désirée tourne autour des hommes et l’unique perspective d’avenir que le film lui offre est de devenir mère… Et le fait que le personnage de Désirée reste finalement conventionnel se retrouve dans l’évolution de son apparence. La “caméra” a une fascination pour son corps qui est dénudé de la façon dont le cinéma français a tendance à filmer les corps noirs de toute façon. Au début, elle porte les cheveux courts et teintés en blond. Puis elle se transforme au contact des soeurs de Toussaint. Elle porte toujours le pantalon mais finit par laisser de côté la tenue de jogging et elle se fait des tresses… je crois. Mais ses cheveux sont couverts comme la mère de Toussaint donc le fait qu’elle adopte le headwrap est plus associé aux signes extérieurs de la femme d’origine africaine plutôt qu’à un héritage culturelle qui lui est propre. Cliché. Au final, Désirée reprend son apparence du début après la mort de Toussaint. Re-cliché. Sa première scène est une confrontation avec des filles qui la surnomment “la squale” puis ces filles et elle deviennent amies, mais concrètement, leur lien d’amitié n’est pas mis en avant. Dans les rares scènes qu’elles ont uniquement ensemble, c’est pour parler virginité, parler bébé, parler garçons… Re-re-cliché. Je pourrais continuer, mais je vais m’arrêter là. Je finirai juste sur la seule chose qui m’a plu dans ce film : les acteurs choisis sont bons. Et je pense honnêtement que je suis allée au bout du film la première fois et aujourd’hui grâce aux acteurs, en particulier Tony Mpoudja/Harrisson, Esse Lawson et Stéphanie Jaubert. Et surtout Tony et Esse… Ils étaient des ados à l’époque, mais ils avaient déjà un charisme incroyable. J’espère vraiment que quelqu’un les réunira un jour sur grand écran dans une comédie romantique ou un mélodrame avec une belle histoire d’amour parce qu’ils pourraient être un Quincy/Monica (Love & Basketball) ou un Darius/Nina (Love Jones) à la française sans aucun problème.

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