Focus Korea – Le documentaire Jeronimo de Joseph Juhn

Un autre de mes objectifs 2020 est d’écrire plus d’articles sur la Corée en lien avec la Caraïbe. Commençons avec Jeronimo.

Réalisé par Joseph Juhn, ce documentaire raconte l’histoire de Jeronimo Lim Kim (nom coréen : Lim Eun Jo), un Cubain d’origine coréenne. Ce fils d’immigré s’est battu aux côtés de Fidel Castro lors de la révolution cubaine. Fervent partisan du socialisme, il n’a eu de cesse d’œuvrer pour créer une société sans inégalité pour tous les Cubains, les immigrés coréens inclus. Au cours des dernières années de sa vie, son but était de promouvoir et de faire reconnaître l’identité coréenne de cette communauté construite à partir de crises politiques internationales.

Pour lire ma review, je vous invite à aller sur le site de Karukerament. Ici, je parlerai avant tout de l’expérience que représente cette projection.

J’ai commencé à m’intéresser à la Corée du Sud été 2006. C’était le boom des dramas coréens en Asie. Je suis passée par une phase K-pop pendant 10 ans et j’ai obtenu une licence LLCE de coréen. Depuis, ce qui m’intéresse est de comprendre (et faire comprendre aux autres) pourquoi on peut établir des parallèles, des liens entre identité caribéenne et identité coréenne. Par contre, ce que je n’avais jamais évoqué formellement était le pour quoi c’est-à-dire quelles sont l’utilité et la finalité de cette démarche. Et je ne suis pas sûre que j’aurais pu le faire de façon aussi claire avant cette année.

Une perspective plus large

Je me doutais qu’il y avait des Coréens dans la Caraïbe, mais j’aurais instinctivement daté leur immigration après la Seconde Guerre mondiale… Je n’avais jamais pris le temps de faire des recherches à ce sujet. Les 2h30 de cette séance de projection étaient l’occasion de commencer. Il existe une communauté coréenne à Cuba depuis les années 1920. Une communauté qui se vit 100% cubaine, une communauté qui se sent 100% coréenne.

En analysant Guava Island pour l’épisode 5 de mon podcast, j’avais déjà dit que je devrais arrêter de faire l’impasse sur la Caraïbe hispanophone… Certes, c’était une question de barrière de la langue vu que je ne maîtrise plus l’espagnol. Mais en regardant ce film documentaire, je me dis que ma mise à distance de la Caraïbe hispanophone vient aussi de la représentation édulcorée avec laquelle j’ai grandi : des îles hispanophones sans Noirs. Or, ce n’est pas le cas. Bien au contraire. Et il faut aussi ajouter les Asiatiques.

Une perspective en miroir

Au cours de mes études et à travers mes propres lectures, j’ai entendu parler des difficultés de la diaspora coréenne. Mais comme d’habitude, c’était toujours dans le contexte nord-américain et européen. Pour la première fois, c’était dans un contexte caribéen.

Dans mes réflexions pour comparer identité caribéenne et identité coréenne, je me plaçais toujours du point de vue de la Corée du Sud et pas de la diaspora. Une identité culturelle est toujours en redéfinition avec les apports de l’extérieur mais cet extérieur ne signifie pas nécessairement étranger. Je sais que ça paraît une évidence. Surtout que mon expérience de personne ayant vécu dans la Caraïbe puis dans la diaspora aurait dû m’aider à prendre conscience de ce facteur… Jusqu’à présent je ne comparais que nos passés de colonisés et d’innovation culturelle, mais en réalité nous avons des questionnements identitaires contemporains similaires.

Zurich, Francfort, Rome, Paris, Londres. Tels étaient les lieux de projection pour la tournée européenne du documentaire. Le réalisateur Joseph Juhn a fait la remarque que le public parisien était le plus diversifié et qu’il en était ravi. Il a demandé notre point de vue au sujet du discours sur la diaspora coréenne dans son film. Une États-Uniennene d’origine coréenne vivant à Paris a expliqué comment elle s’identifiait à ce récit sur l’exil, au besoin de réaffirmer son identité coréenne. J’ai parlé du fait que j’établissais un parallèle avec la diaspora caribéenne. Mais j’aurais vraiment été curieuse d’entendre le point de vue des Blancs présents dans la salle. Où se situent-ils sur le spectrum sur ce récit de la diaspora coréenne car pour une fois ils n’étaient pas mis en cause directement ?

En tout cas, cette projection m’a confirmé dans ma démarche comparative entre Caraïbe et Corée du Sud. Elle m’a aussi poussé à me remettre en question sur les pistes que je refusais d’explorer ou celles auxquelles je n’avais pas pensé… Beaucoup d’heures de réflexion en perspective mais ce sera passionnant, je n’en doute pas.

Cette projection m’a aussi rappelé l’urgence de la transmission sur nos héroïnes et nos héros de l’ombre. Comme l’expliquait Alain Bidard dans son interview pour Karukerament.com, notre folklore est suffisamment riche pour alimenter un cinéma commercial. Cette source de revenus pourrait aider au développement d’un cinéma de transmission pour garder une trace de notre XXe siècle, des luttes, des morts, des victoires avec les témoignages de celles et ceux qui l’ont vécu… Le temps presse.

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