Quand je dis que j’apprends le coréen, la réaction est toujours la même : air étonné puis perplexe (même quand c’est lors d’un échange virtuel).
Vient l’inévitable question “pourquoi le coréen ?”. Je m’auto-persuade qu’il s’agit de simple curiosité sans préjugé. Bon, je reconnais que c’est difficile parfois parce que le mépris se ressent à la puissance 13… Aujourd’hui, tant qu’on ne me pose pas directement la question, je ne justifie pas mon choix. Avant, j’anticipais les interrogations. Je gardais alors le sourire (ou commençais par un smiley et un lol) avant de répondre brièvement : “j’avais envie d’apprendre une langue asiatique mais le chinois et le japonais ne m’attiraient pas plus que ça.” En général, la personne qui méprise n’a pas besoin de plus et change de sujet. Même la personne qui ne méprise pas change de sujet. Il n’y a qu’une personne qui a déjà un intérêt pour la Corée du Sud qui me posera des questions différentes de “la Corée du Nord ??” ou “ah oui, oppa gagnam style haha LOL”.
En vérité, voilà la réponse que j’aimerais exprimer si je n’avait pas peur de me confronter à un dialogue de sourds. Visiblement, je n’ai aucune origine asiatique. Je n’ai aucune attache de près ou de loin à cette partie du monde, si ce n’est le fait que vivre aux Antilles une partie de ma vie m’a permis de côtoyer des personnes d’origine indienne sans m’interroger sur le pourquoi ils étaient là, pourquoi j’étais là. Je m’étais toujours dit depuis l’école primaire “quand je serai grande, j’apprendrai une langue asiatique”. Je n’avais pas poussé ma réflexion jusqu’à déjà choisir quelle langue, mais tout ça pour dire que j’avais déjà une vague idée à 10 ans et je n’avais pas de barrière dans ma tête pour me dire “non, mais je ne peux pas. Je ne devrais pas, ça ne me servira rien, ça n’a aucun intérêt.”
Avance rapide à quelques années plus tard. Ma vie de fangirl m’a fait côtoyer des personnes de tous les horizons dont une amie qui m’a fait découvrir le monde des dramas il y a maintenant un peu plus dizaine d’années. Je suis passée par la phase TW drama (drama taïwanais), j-drama (drama japonais) pour atterrir dans les K-dramas (drama coréen) et j’y suis encore. Ma “passion” pour les K-dramas fera probablement l’objet d’un autre billet, mais je peux dire que ce sont les séries qui m’ont poussé à en découvrir plus sur la culture coréenne. Un jour, en faisant le bilan de ma vie et peu satisfaite de ce que j’avais accompli dans ma vingtaine, je me suis dit que c’était le moment ou jamais de tenter l’apprentissage d’une langue asiatique avant d’entrer dans la trentaine, période où les responsabilités d’adulte ne peuvent plus être remises à plus tard. En plus, je souhaitais réellement vivre l’expérience universitaire telle que je l’avais rêvée au lycée. On m’avait vendu la fac avec les cours passionnants, les fous rires avec une bande d’amis, le stress collectif des partiels, les sorties en boîte pour décompresser. Je ne peux pas dire que mon parcours post-bac ne m’a apporté que des déceptions en terme d’épanouissement personnel, mais je n’avais pas l’impression d’avoir vécu la vie d’étudiante que je fantasmais et je n’avais pas envie que le goût amer que je ressentais à ce sujet se transforme en regret. Le coréen a été l’occasion parfaite pour concilier mon envie d’apprendre une langue asiatique et être l’étudiante que je rêvais d’être. Evidemment, je ne vous dis pas les interrogations que j’avais à l’idée de recommencer un cycle à l’âge où les jeunes diplômés se lancent sur le marché de l’emploi. Je vous passe le scepticisme de mon entourage qui exacerbait mes craintes sur le fait que je prenais du retard sur la brillante carrière qui me tendait les bras, que limite j’étais en train de gâcher mon avenir. J’ai tenu bon et je ne regrette pas.
Etudier cette langue était la boussole pour naviguer par moi-même sur cet océan culturel dont je ne ferai jamais le tour. J’en suis consciente et justement, c’est ce qui ce me plaît. Non, je ne suis pas amoureuse d’un Coréen. Non, je n’ai pas envie d’être Coréenne. Le fait est que, phonétiquement, je trouvais que le japonais et le chinois sonnaient mieux à l’oreille. Probablement à cause de l’influence des mangas et du regard occidental parfois positif parfois négatif sur la Chine. Le coréen avait le goût de l’inconnu et m’offrait la possibilité de me confronter à moi-même, de relever un challenge personnel par passion et non uniquement “pour mon avenir”. Au lieu de stresser sur quelles études faire pour avoir ZE métier qui paye bien et reconnu par la société, j’ai fait le choix d’étudier simplement ce qui me rend heureuse au moins une fois. Et, au risque de passer pour une enfant gâtée parce que je sais que c’est une chance de pouvoir faire des études supérieures, je pense que ce n’est pas un choix simple quand les gens considèrent que vous ne visez jamais assez haut par rapport à vos capacités intellectuelles.
J’ai vécu coréen, dormi coréen, traduit sans relâche pendant 5 ans quasiment 24h/24. Tout s’est arrêté brutalement l’année dernière et je me suis donnée un an pour voir si mon intérêt disparaîtrait sans cette contrainte de traduction quotidienne. A bientôt un an de cette date anniversaire, je peux dire que la passion fangirl pour la k-pop et les k-dramas est définitivement révolue. Par contre, la Hallyu continue et continuera à faire partie de ma vie parce que je continue à réfléchir à des projets pour le marché des fans français… Disons que la flamme de la passion ne meurt pas.
Aurais-je pu étudier le coréen après avoir trouvé la stabilité professionnelle ? Certainement. Cela m’aurait-il apporté le même épanouissement personnel ? Absolument pas. Cette période d’apprentissage que je prolonge en autodidacte depuis que j’ai eu ma licence me fait constamment sortir de ma zone de confort et influence ma façon d’appréhender le monde. L’histoire coréenne résonne d’une façon particulière pour moi en tant que Caribéenne et m’a ouvert des perspectives aussi bien sur le plan personnel qu’intellectuel que je n’aurais jamais pu avoir en restant cantonnée dans le parcours “classique” dans lequel j’étais. Explorer cette autre culture m’aide quotidiennement à mieux comprendre et à mieux définir mon identité, ma place et celle que je veux occuper dans notre société globalisée.
4 responses to “Pourquoi le coréen ?”
rJ’ai adoré ton article. Je suis âgée de 53 ans et je suis des k-dramas depuis 3 ans. Pas de K-pop, trop jeune pour moi. J’ai découvert la culture coréenne par accident. Je m’étais cassée une cheville et abonnée à Netflix pour la même raison. Je suis une fan des séries historiques et Netflix m’a suggéré quelques-unes, dont The moon embracing the Sun. Ce fût le coup de foudre pour la langue, pour la beauté des décors et des acteurs. J’ai toujours aimé le Japon, mais j’ai un faible pour la Corée. J’essaie d’apprendre la langue, mais c’est difficile. Merci
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Merci beaucoup pour ce commentaire Kathy.
Je suis en train de préparer un projet pour les amateurs de dramas. N’hésite pas à revenir dans quelques semaines. Je pense qu’il te plaira. 😀
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[…] délaissé la soul, le R&B et le hip-hop US pour me consacrer exclusivement à la K-Pop. Le coréen me permet de me lancer un nouveau défi sans aucune pression de résultat. Du coup, quand Gage sort […]
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[…] C’est peut-être pour ça que j’ai proposé plus d’articles personnels comme pourquoi le coréen. J’ai aussi fait une review de la websérie Brown Girls, un petit […]
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