Focus Karayib : Gilles Floro

Focus Karayib parle des chansons des Caraïbes que j’aime. Ce ne sont pas forcément des nouveautés, mais j’en écoute quand j’écris mes fictions qui se passent en Caraïbe et j’aime fangirler, alors pourquoi ne pas fangirler en mode caribbeing ?

Je dis toujours que je suis née pour être une fangirl. Il y a encore quelques mois, si vous m’aviez posé la question quel est le premier artiste dont j’ai été fan, j’aurais répondu Michael Jackson ou un boysband des années 1997-1998. Je vous assure, ne me lancez pas sur Ultimate Kaos parce que mon crush pour Haydon (celui de mes souvenirs, en tout cas) est toujours d’actualité. Quant à Michael Jackson, je connaissais par coeur les chorégraphies de “Remember The Times”, “Bad” et “Thriller”, impossible de me test à l’époque, j’étais fan à ce point. Si je vous avais donné cette réponse, cela aurait été la réponse de facilité, la réponse passe-partout, suffisamment proche de la vérité pour ne pas avoir l’impression de mentir et suffisamment éloignée pour éviter d’autres questions si je donnais la véritable réponse * pause pour un effet dramatique même si tout est dit dans le titre * Gilles Floro est le premier artiste à m’avoir fait fangirler. Evidemment, je ne parle pas de la fangirlitude qu’un Haydon ou un Taeyang ou un Joong Ki-oppa ont déclenchée chez moi. La fangirlitude dont je parle est certainement la forme la plus simple et la plus directe qui soit, celle qui repose sur la connexion avec un artiste uniquement par rapport à son art.

Quelques secondes de http://www.mylife.com pour contextualiser. Quand j’étais enfant dans cette lointaine décennie des années 90, je suis retournée m’installer en Guadeloupe. Là, il ne s’agissait plus de simples vacances où le créole était juste la langue que parlaient ma grand-mère, mes oncles et tantes. Il était mon quotidien. A l’école, les enfants parlaient créole. Mon maître au CM2 parlait souvent créole. Je n’avais pas le choix. Comprendre le créole était une question de survie. Et j’ai fini par le comprendre. En revanche, je n’ai jamais osé parler parce que mes rares tentatives en présence de mes pairs voire même d’adultes se soldaient toujours par des rires. Ce sentiment de honte mêlé d’impuissance garde un goût d’autant plus amer parce qu’on me renvoyait à “mon accent de France” à ce moment-là et on me rappelle que j’ai un accent bien antillais depuis que je suis revenue ici… Je ne parle toujours pas créole quand il y a des personnes autour de moi, et c’est en partie à cause de ça. Passons.

Je l’avais déjà évoqué dans un précédent billet, mais la chanson “Viré” de Gilles Floro a été pour moi LA chanson qui m’a fait entendre la beauté du créole, qui m’a donné envie de prononcer des mots juste pour le plaisir de les prononcer et pas pour essayer de me faire accepter de quelqu’un. Quand j’ai entendu la chanson la première fois, j’ai eu ce qu’on appelle un coup de foudre musical. Dès qu’elle passait à la radio, j’avais l’impression d’être dans un autre monde pendant quelques minutes. J’oubliais quelques secondes mon agacement et mon envie de sinobawl quand je l’entendais en passant devant un magasin de la rue Frébault alors que je jouais des coudes pour ne pas perdre ma mère dans la foule des acheteurs du samedi après-midi. J’aimais tellement cette chanson que j’avais même retranscrit phonétiquement ce que je comprenais pour mieux mémoriser les paroles…

Je suis restée sous le choc quand j’ai appris le décès de Gilles Floro. Je suis passée par une phase de déni parce que je refusais de croire qu’il était mort à cause d’une électrocution en installant sa parabole satellite… J’étais en mode “on ne nous dit pas tout. Il s’est passé un truc tellement horrible qu’on préfère nous cacher la vérité”. Et puis j’ai ressenti un vide. Je sais que ça sonne égocentrique, égoïste égo-tout-ce-que-vous-voulez, et il est évidement que la peine que j’ai ressentie n’est rien comparée à celle que ses proches, les gens qui le connaissaient vraiment ont ressentie. Mais dans ma tête d’enfant, je perdais mon premier ami guadeloupéen, celui qui m’aidait à combattre ma peur du créole, celui qui ne jugeait pas ma prononciation défaillante… Avec le recul, je me rends compte de la sensualité de certaines de ses chansons, mais cela me passait au-dessus de la tête à l’époque. Ce qui comptait avant tout, c’étaient sa voix et sa musique qui transcendaient le créole, le français, les genres musicaux. J’aurais bien voulu mettre une chanson en écoute, mais je n’ai pas réussi à choisir parce qu’elles sont toutes plus magnifiques les unes que les autres.

Gilles Floro est décédé le 22 juin 1999. Je n’aurai jamais l’occasion de le voir en concert, je n’aurai jamais l’occasion d’acheter un album de titres inédits, je n’aurai jamais l’occasion de lui dire à quel point sa musique a eu un impact sur ma vie, mais du plus profond de mon coeur, je lui dirai toujours merci…

3 responses to “Focus Karayib : Gilles Floro”

  1. […] review de 35 rhums, une review de Soup a pyé pour le lancement de ma rubrique Streaming Time et un Focus Karayib dédié à Gilles Floro […]

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  2. […] l’expression “il est tellement noir qu’il est bleu” (en créole, bien sûr, mais comme je vous ai dit, je ne parle pas créole). Instinctivement, je savais que cette réflexion était à prendre dans […]

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  3. […] depuis deux ans. Ce concert, remercier Gage directement (comme j’aurais voulu le faire avec Gilles Floro), écrire ce billet m’a permis de faire le […]

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